La quête du beau poisson

Le beau poisson. Quand vous rentrez dans une poissonnerie, c’est votre attente légitime si vous voulez vous faire plaisir. Mais ce beau poisson d’’où vient-il ? Comment est-il pêché ? Comment est-il acheminé ?

Dans la vidéo ci-dessous, j’interview Alexandre Hervé, le directeur de site de l’entreprise de mareyage « Les viviers de Noirmoutier ».

L’interview d’Alexandre, ou comment le beau poisson se retrouve sur nos étals ?

Vous découvrirez dans la première partie de cette vidéo:

  • Comment Alex choisit son poisson avant même qu’il ne soit débarqué.
  • Vous découvrirez quels sont les critères d’agréage pour ne sélectionner que le poisson d’exception.
  • Comment le poisson est-il conditionné pour donner le meilleur de lui-même ?
  • Quelle chaîne logistique est appropriée pour livrer au plus vite et au mieux.

Dans la deuxième partie de cette vidéo, vous découvrirez:

  • Comment l’équipe a très vite compris les besoins en poissons fins des grossistes, des restaurants haut de gamme, et des poissonniers.
  • Vous verrez comment l’entreprise réussit contre vent et marée à entretenir un niveau de qualité exceptionnel.
  • Puis vous allez apprendre comment les équipes préparent l’avenir pour continuer à exceller.
  • Enfin, quelle est la plus grande richesse de l’entreprise au quotidien pour maintenir le meilleur du beau poisson 🙂

Retranscription de l’interview d’Alexandre

Christophe: Alors Alexandre, c’est quoi du beau poisson ???
Alexandre: Aujourd’hui le beau poisson, avec le métier, on arrive à le repérer de loin. Mais l’oeil du professionnel sur place est le plus important. C’est pour cela que nous achetons physiquement (1) toutes les nuits en criées. On a une personne sur place qui agrée le poisson avant même qu’il ne soit acheté en sélectionnant les lots directement.

Superbe Grondin Perlon

Christophe: Quelle est votre politique d’achats pour obtenir les lots que vous souhaitez ?

Alexandre: On a un avantage. C’est que l’on est très proche des marins dans chacun des ports avec lequel on travaille et la veille au soir, avant même que le poisson ne soit en criée, j’ai des messages de la plupart des marins pour me dire Alex: j’ai ton produit, j’ai ta qualité, va sur tel ou tel lot (en criée)
Ce qui nous permet d’avoir une sécurité et de gagner du temps le matin parce qu’on sait sur quels bateaux et quels lots on est susceptibles d’acheter.
Après c’est une sélection visuelle, au niveau de la fermeté, de la robe, de l’oeil du poisson.

Christophe: Pour les auditeurs il faut préciser qu’il y a différentes qualités en criées. Qualité E, A, B (2). Qu’est-ce que tu sélectionnes ?

Alexandre: Nous on ne fait que du E (pour Extra) ou du double E (pour le très haut de gamme) pour nous, le plus important c’est le mode de pêche. En premier lieu nous avons sélectionné la pêche de ligne, c’est ce qui a fait notre réputation. On travaille le poisson de ligne « Pin’sé » cela assure une sécurité de qualité. Après, chez les ligueurs nous faisons un vrai agréage. Nous avons des marins qui travaillent avec un système de cuves. Dès que le poisson est pêché, il est saigné, et mis en cuve réfrigérée remplie d’eau de mer et de glace. Ce qui fait que l’on va obtenir une rigidité cadavérique (Rigor Mortis : Le poisson ultra frais) plus importante qu’un marin qui va pêcher à la ligne et laisser le poisson sur le pont. Même 20 minutes c’est déjà trop.

Notre clientèle qui sont: des restaurants haut de gamme, de bons grossistes, des poissonniers, qui souhaitent, quand il découpent le poisson, avoir une chair nacrée et translucide. Aujourd’hui c’est à nous de leur apporter ça.

pagre

Christophe: Après la sélection, et l’achat. Comment le poisson est travaillé pour rester aussi beau ?

Alexandre: Tout est une question de conditionnement. Johan notre agréeur, un jeune formé chez nous, et qui a une bonne perception des produits et qui sélectionner le poisson de ligne que l’on va mettre en avant. Parfois ce poisson de ligne, Johan va le déclasser pour dire que ce n’est pas la qualité haut de gamme des Viviers de Noirmoutier. On va le diffuser sous l’appellation, poisson de petits bateaux, qualité Extra.

L’idée, c’est que dès que le poisson arrive chez nous, il soit trié, agréé qualité, recalibré et directement conditionné. À partir du moment ou le poisson est arrivé chez nous, on se donne 1/2 heure à 3/4 d’heure pour qu’il soit directement glacé. Le but c’est qu’il ne voie pas la lumière ni l’air. Il faut être très très réactif le matin. C’est le challenge. On met Johan à l’agréage et le reste de l’équipe est au glaçage de la marchandise , avant la moindre prise de commande.

Christophe: Tu as souligné que la marchandise est conditionnée dans un temps record pour conserver sa qualité, mais au niveau du transport, comment ça se passe ? Est-ce que c’est vous qui le maitrisez ?

Alexandre: On maitrise jusqu’à la porte de notre case. Ensuite on travaille au quotidien avec des partenaires de transport, car on traite des gros volumes. Ils assurent une qualité de transport conforme à la qualité et la fraicheur de nos produits. En étant le plus réactifs possible pour livrer les clients. En prenant soin de ne pas casser la chaine du froid.
Ils se garent au cul des cases (entre parenthèse 😉 et on peut leur charger directement le camion pour ne pas avoir de casse dans la chaine de froid.

Rascasse

Christophe: Quelle est votre histoire ? Comment avez-vous décidé de travailler le poisson haut de gamme ?

Alexandre: Au départ nous étions une poissonnerie. On a fait le sens inverse. On a attaqué par la poissonnerie et quand on s’est rendu compte des besoins réels dans le poisson fin, on s’est axé sur le mareyage il y a maintenant pas mal d’années. Ça n’a pas été toujours rose, Il y a eu beaucoup ( 3 fois) de challenges . Et le challenge il est au quotidien. Parce qu’une réputation sur du très qualitatif, c’est très difficile à tenir. On peut le faire. Beaucoup de gens essayent de la faire sur un laps de temps défini. Nous notre but est de garder cette qualité toute l’année.

On ne brise pas la chaine. Nous avons de vrais partenariats de confiance avec nos clients. On ne peut pas se permettre
de perdre la confiance. Quitte à ne pas envoyer, on dit parfois à nos clients, on a pas votre « came » . Il y a des fois on travaille à blanc, parce que quand on arrive dans des criées, il n’y a pas notre qualité. Donc on va prendre le risque de ne pas faire le chiffre d’affaires, et ne pas acheter pour acheter.

Christophe: Il t’arrive donc de refuser des commandes ?

Alexandre: Oui, et tous les jours. Aujourd’hui on a la chance d’avoir une belle clientèle, on a réussi à bien développer notre commercialisation avec des gens qui nous contacte tous les jours, et je pense que c’est une vraie réussite. Mais pour rester dans cette gamme-là, on est obligé de dire non. Le poisson très beau n’est extensible. Ça n’existe pas. Sur une flotte de 40 à 50 bateaux, il y a 6 ou 7 bateaux qui vont vraiment sortir du lot et faire du très très beau. Après c’est le choix que nous avons fait, mais à côté de ça il a aussi du beau poisson. Nous on a choisi le très très beau de ligne, c’est notre crédo. Mais il y a aussi plein d’autres belles choses.

Labrax

Christophe: Alexandre, tes journées sont bien remplies, tu commences à quelle heure le matin ?

Alexandre: Ce matin j’ai commencé à 3 heures, je mets de réveil à 2H30. J’habite pas loin, j’ai de la chance 🙂

Christophe: Et tes journées se terminent à quelle heure ?

Alexandre: Vers 18H00 en moyenne, avec les achats de l’après-midi.

Christophe: Les journées ne faisant que 24H00, comment fais-tu pour te ressourcer ? Tu réussis à passer du temps en famille ?

Alexandre: Mais on travaille en famille, en fait, elle est sur site la famille, c’est beaucoup plus facile, ou pas.

Se ressourcer ? Les uns comme les autres, ma femme qui est née dans le poisson, mon beau-père, mon oncle le chef d’atelier, les cousins, on est tous dans la même dynamique, on aime ce qu’on fait. Ce n’est pas difficile en soi. C’est dur physiquement, mais je prends beaucoup de plaisir, j’adore ça.

Christophe: Dis-moi quels sont les objectifs des viviers de Noirmoutier ?

Alexandre: En premier lieu, mon beau-père (Lionel Collachot – Gérant des viviers de Noirmoutier) est sur un super dossier. La reprise d’une affaire sur la criée de Saint-Gilles, et l’idée est de créer un centre de formation au sein de la criée de Saint Gilles Croix de Vie. C’est le challenge que mon beau-père s’est donné. Je lui donne tout mon appui, car c’est une super idée, parce qu’on a besoin de jeunes pour la pérennité du métier et je pense qu’on va y arriver en créant ce centre de formation. Au sein de la criée de Saint-Gilles avec la MFR (Maison Familiale et rurale) de Challand .

Barbue

Christophe: Est-ce que ce centre de formation s’oriente vers le mareyage ?

Alexandre: C’est pour la poissonnerie à la base. C’est pour les métiers de la mer. C’est pour pouvoir trouver des jeunes qui sachent faire des filets. Aujourd’hui c’est devenu compliqué les fileteurs. C’est une race en disparition si on peut dire. On recrute des fileteurs à l’année. Il faut valoriser le métier et pour le valoriser il faut le représenter, mais il faut aussi le porter. Et aujourd’hui, c’est notre rôle, à nous mareyeurs, grossiste, pêcheurs et poissonnier de s’occuper de ça. Si on ne s’en occupe pas, personne ne le fera pour nous. Très clairement.

Je souligne une petite chose, ce qui aujourd’hui on en est là (aux Viviers de Noirmoutier) c’est notre équipe aussi. C’est très important, j’ai une équipe de champion dans l’atelier. J’ai des mecs(et des filles) qui sont formidables, qui sont capables de mettre beaucoup de choses de côté au quotidien.

En l’occurrence, je pense, à la dernière semaine qu’on est en train de traverser (Début juillet) on avait une grosse semaine dans le thon. Ils sont venus, je ne leur ai pas fait leurs horaires. Ils nous ont dit: Alex, demain une grosse journée, on fini à 18H00, on commence à 03H30, c’est la saison du thon, ce n’est pas grave, on la fait. C’est la saison du thon, c’est la saison de la sole, la saison du bar et ainsi de suite. Je tenais à leur faire un petit clin d’oeil. Vous êtes formidable, on ne change rien.

Christophe: Merci pour eux, les membres de notre personnel ont besoin d’être valorisés, car ce sont eux qui créent de la richesse dans nos entreprises. Merci Alexandre.

Alexandre: Très bonne journée, merci beaucoup.

(1)Par opposition aux achats en criées via le net sans voir la marchandise.
(2) Les qualités de poisson sous criée. E = Extra, A = Bon, B = Moyen.

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3 réflexions au sujet de “La quête du beau poisson”

  1. bonjour a vous,

    effectivement des metiers, qui ne sont pas la la portée de tout le monde, pour aller plus loin le role des pecheurs, ne pourraient ils pas pecher uniquement la demande, ou bien mettre l’excedant dans des crics de dimensions hors normes, afin d’alimenter un marché de plus en plus exigent en fraicheur ! un bar ou un turbot peut tenir quelques semaines voir une saison, et la peche peut s’effectuer a la demande.ceci reste une idée a travailler pour sortir gagnant gagnant, depuis le pecheur jusqu’a l’assiette.
    a plus regis ex chef de club.

    • Bonjour Régis,
      C’est une riche idée à l’heure actuelle, car les technologies anticipatives peuvent nous permettre sa mise en oeuvre (IA).
      Merci pour votre intervention pertinente régis.

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